Mettre un terme au génocide en cours ou le voir mettre fin à la vie à Gaza : des experts de l’ONU affirment que les États sont confrontés à un choix décisif 07 mai 2025
GENÈVE – Les atrocités croissantes à Gaza représentent un tournant moral à prendre d’urgence et les États doivent agir maintenant pour mettre fin à la violence, sans quoi ils seront témoins de l’anéantissement de la population palestinienne de Gaza, une issue qui aurait des conséquences irréversibles pour notre humanité commune et l’ordre multilatéral, ont averti aujourd’hui des experts de l’ONU, qui ont exigé une intervention internationale immédiate.
« Alors que les États débattent de la terminologie (s’agit-il ou non d’un génocide ?), Israël poursuit sa destruction implacable de la vie à Gaza, par des attaques terrestres, aériennes et maritimes, déplaçant et massacrant en toute impunité la population restante », ont déclaré les experts.
« Personne n’est épargné, que ce soient les enfants, les personnes handicapées, les mères allaitantes, les journalistes, les professionnels de la santé, les travailleurs humanitaires ou les otages. Depuis la rupture du cessez-le-feu, Israël a tué des centaines de Palestiniens, souvent quotidiennement, le pire ayant eu lieu le 18 mars 2025, date à laquelle 600 victimes ont été dénombrées en 24 heures, dont 400 enfants. »
« Il s’agit de l’une des manifestations les plus ostentatoires et les plus impitoyables de la profanation de la vie et de la dignité humaines », ont affirmé les experts.
Cette agression a transformé Gaza en un paysage de désolation, où près de la moitié des victimes sont des enfants et où des milliers de personnes sont encore déplacées. Le groupe d’experts a recensé plus de 52 535 morts, dont 70 % sont des femmes et des enfants, et 118 491 blessés en date du 4 mai 2025.
Depuis mars 2025, date qui coïncide avec la fin du cessez-le-feu, Israël a rétabli un blocus encore plus strict sur Gaza, enfermant de fait sa population dans la misère, la faim et la maladie. « Sous les bombardements constants, au milieu de logements en ruines, de rues transformées en zones de terreur et d’un paysage dévasté, 2,1 millions de survivants sont confrontés à une crise humanitaire extrêmement grave », ont déclaré les experts. « La nourriture et l’eau sont coupées depuis des mois, provoquant la famine, la déshydratation et des maladies, ce qui entraînera de nouveaux décès qui deviendront la réalité quotidienne pour beaucoup, en particulier les plus vulnérables. »
Au milieu de ce carnage, les déclarations israéliennes qui oscillent entre le blocage pur et simple de l’aide et les déblocages dépendant d’autres objectifs stratégiques, témoignent d’une intention claire de faire de la famine une arme de guerre, et de faire régner l’incertitude chez la population face à ses besoins fondamentaux, ce qui augmente le risque de traumatisme et de problèmes de santé mentale, ont-ils averti.
« Non seulement l’acheminement de l’aide humanitaire est l’une des obligations les plus importantes d’Israël en tant que puissance occupante, mais l’épuisement délibéré des produits de première nécessité, la destruction des ressources naturelles et la volonté calculée de conduire Gaza au bord de l’effondrement corroborent sa responsabilité criminelle », ont déclaré les experts.
« Ces actes, outre le fait qu’ils constituent des crimes internationaux graves, s’inscrivent dans des schémas alarmants et avérés de conduite génocidaire. »
Les experts ont appelé les États à dépasser la rhétorique et à prendre des mesures concrètes pour mettre fin immédiatement au carnage et faire en sorte que les auteurs de ces actes répondent de leurs actes.
« Le monde entier est attentif. Les États Membres respecteront-ils leurs obligations et interviendront-ils pour mettre fin aux massacres, à la faim, aux maladies et aux autres crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés chaque jour en toute impunité ? »
Les normes internationales ont été établies précisément pour prévenir de telles horreurs. Pourtant, alors que des millions de personnes manifestent dans le monde entier pour la justice et l’humanité, leurs appels sont étouffés. Cette situation envoie un message funeste : les vies palestiniennes sont superflues et le droit international, s’il n’est pas appliqué, ne veut rien dire », ont indiqué les experts.
Ils ont rappelé que le droit des Palestiniens à l’autodétermination est irrévocable. « Les États doivent agir rapidement pour mettre fin au génocide en cours, démanteler l’apartheid et garantir un avenir dans lequel les Palestiniens et les Israéliens coexisteront dans la liberté et la dignité.
« Les mandats d’arrêt de la CIJ contre les dirigeants israéliens pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité nécessitent une action et un respect immédiats. L’avis consultatif de la CIJ impose la fin de l’occupation prolongée et l’Assemblée générale a fixé la date limite au 17 septembre 2025 », ont spécifié les experts.
Ils ont par ailleurs averti qu’en continuant à soutenir Israël matériellement ou politiquement, notamment par des transferts d’armes et la fourniture de services militaires et de sécurité privés, les États risquaient de se rendre complices d’un génocide et d’autres crimes internationaux graves.
Le choix est grave : rester passifs et assister au massacre d’innocents ou participer à l’élaboration d’une résolution juste. La conscience mondiale se réveille. Si elle s’affirme, malgré le gouffre moral dans lequel nous nous enfonçons, la justice finira par triompher », ont-ils déclaré.
*Les experts:
Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ;
George Katrougalos, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable ;
Gehad Madi, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants ;
Gina Romero, Rapporteuse spéciale sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ;
Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible ;
Astrid Puentes Riaño, Rapporteuse spéciale sur le droit humain à un environnement propre, sain et durable ; Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays ;
Tomoya Obokata, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences ; Nicolas Levrat, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ;
Farida Shaheed, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation ;
Ashwini K.P. Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme ;
Heba Hagrass, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées ;
Pedro Arrojo-Agudo, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement ; Graeme Reid, Independent Expert on protection against violence and discrimination based on sexual orientation and gender identity;
Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable ;
Michael Fakhri, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ;
Mary Lawlor, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme ;
Olivier De Schutter, Rapporteur spécial sur les droits de l'homme et l'extrême pauvreté ;
Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Siobhán Mullally, Rapporteur spécial sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants
Jovana Jezdimirovic Ranito (Chair-Rapporteur), Ravindran Daniel, Michelle Small, Joana de Deus Pereira, Andrés Macías Tolosa, Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires ;
Geneviève Savigny (Chair-Rapporteur), Carlos Duarte, Uche Ewelukwa, Shalmali Guttal, Davit Hakobyan, Groupe de travail sur les paysans ;
Bina D’Costa (Chair), Barbara G. Reynolds, Isabelle Mamadou,
Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine,
Laura Nyirinkindi (Présidente), Claudia Flores (Vice-Présidente), Dorothy Estrada Tanck, Ivana Krstić, et Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles.
Les Rapporteurs spéciaux/Experts indépendants/Groupes de travail sont des experts des droits humains indépendants nommés par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Ensemble, ils relèvent de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Si le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) fait office de secrétariat pour les procédures spéciales, les experts agissent à titre individuel et sont indépendants de tout gouvernement ou organisation, y compris du HCDH et des Nations Unies. Les opinions ou convictions exprimées sont uniquement celles de leurs auteurs et ne représentent pas nécessairement celles des Nations Unies ou du HCDH.